Jeep Gladiator (1966): US-Car

Jeep Gladiator : L'émotion de la prairie

Cette Jeep Gladiator a passé plus de 50 ans dans la même ferme de l’État américain du Missouri. Et au premier tour de clé, on retrouve immédiatement cette sensation de « vastes prairies », autrement dit d’horizon infini.

Publié le 17.12.2023

Des balles de foin sur le plateau de chargement, le chien derrière, et en route pour rejoindre le bétail au pâturage. Voilà un scénario qui aurait pu être envisagé à partir d’octobre 1962, lorsque l’entreprise Kaiser Jeep de Toledo lança sa nouvelle Série J sur le marché. Deux modèles principaux étaient proposés?: le Wagoneer fermé, à deux ou quatre portes, pas encore luxueux à l’époque, et le pick-up Gladiator – la bête de somme.

Un véritable bête de somme

Ces deux modèles présentaient une partie avant pratiquement identique, à l’exception des garde-boue plus saillants sur le Gladiator. La technique était également identique. À son lancement sur le marché, le six cylindres OHC Tornado entraînait au choix les roues arrière ou, en option, les quatre roues. En plus de la boîte de vitesses à trois rapports avec commandes au volant, une boîte automatique était disponible pour la première fois – une nouveauté à l’époque pour ce type de véhicule. Le pick-up, toujours appelé « truck » en Amérique, pouvait être commandé en version J-200 avec un empattement de 120 pouces (3,05 mètres) ou en version J-300 avec un empattement de 126 pouces (3,20 mètres).

Un précurseur à son époque

Ainsi, la société Kaiser Jeep faisait partie des premiers fournisseurs de cette catégorie de véhicules, devenue plus tard célèbre sous le nom de « Sports Utility Vehicles », et trouva d’emblée un marché gigantesque. Les premiers acheteurs furent les forestiers, les fermiers, les chasseurs, les pêcheurs et bien sûr l’armée. Les propriétaires de bateaux ou de chevaux, les amateurs d’offroad et les aventuriers issus des villes et des banlieues se sont également tournés vers la Série J par la suite, car elle était plus spacieuse et plus confortable que la Jeep Willys, modèle polyvalent par excellence jusque-là. À partir de 1966, un Gladiator J-300 peint en blanc et noir « façon zèbre » est devenu une star de la télévision grâce à son « rôle » dans la série d’aventures animalières Daktari, dont le but était d’apporter de l’aide aux animaux d’Afrique. Cependant, le tournage s’est déroulé dans une réserve d’animaux sauvages près de Los Angeles, et le Gladiator n’a jamais eu à se déplacer sur le continent.

En revanche, le Gladiator s’est déplacé jusqu’à chez nous, en Suisse. Si notre modèle photo de 1966 avait été une première livraison en Suisse, il aurait à l’époque été commercialisé par l’importateur suisse Fratelli Ambrosoli de Zurich. Or, les frères Ambrosoli envisageaient pour leurs clients exigeants plutôt le Wagoneer (puis le luxueux Cherokee), que le Gladiator. Par contre, nos agriculteurs continuaient à conduire des tracteurs et les artisans des VW Combi. Un véhicule américain importé à grands frais et doté d’un moteur volumineux aurait probablement entraîné une baisse considérable des recettes d’exploitation.

V8 jusqu'à 250 ch

Néanmoins, il était possible en Suisse de commander le Gladiator avec le moteur six cylindres Hi-Torque de 145 ch ou le V8 Vigilante de 250 ch emprunté à AMC. Une publicité précisait que de nombreuses options pouvaient être commandées, comme une assistance au freinage et à la direction, un différentiel à glissement limité, un chasse-neige hydraulique, un treuil ou même la climatisation. Par ailleurs, la vidange d’huile ne devait être effectuée que tous les 6500 kilomètres, et le graissage tous les 50'000 kilomètres.

Équipement supplémentaire orienté vers l'utilité

Notre Jeep Gladiator datant de 1966 est un exemplaire plus sophistiqué, qui porte désormais le nom de J3000 – un modèle Townside à quatre roues motrices de trois quarts de tonne. Le terme « townside » signifie ici que les surfaces extérieures de la tôle sont planes. Les garde-boue se situent dans l’espace de chargement contrairement à ceux du modèle Thriftside avec des surfaces latérales « rétractées » qui forment un marchepied devant et derrière les roues. En plus de ces deux carrosseries, il existait également une variante châssis-cabine et une variante avec essieu arrière à roues jumelées.

Le premier acheteur commanda le modèle équipé du puissant V8 de 327?cc – V8 combiné à une boîte de vitesses manuelle à trois rapports et à une boîte de transfert à deux rapports – chez Reuther’s Auto Sales à Creve Cœur, Missouri. Coloris choisi : blanc sobre avec intérieur beige. Parmi les équipements supplémentaires?: des moyeux de roues avant verrouillables, des jantes en acier de 16 pouces avec enjoliveurs polis, la direction assistée, la climatisation et des ceintures de sécurité abdominales. La facture originale du concessionnaire, datée du 10 septembre 1965 et encore disponible, mentionne l’équipement d’usine du véhicule et un prix de livraison de 4171,33 $ – sachant qu’un break Ford de 1963 avait été repris.

« In dubio pro patina »

La relation était extrêmement réussie, puisque le Gladiator est resté plus d’un demi-siècle dans la même famille, où il a manifestement été très bien entretenu. Ce n’est qu’il y a environ trois ans que le véhicule a changé pour la première fois de propriétaire et aujourd’hui, il est en vente chez le spécialiste Gianreto Calonder à Bergdietikon. Certaines pièces comme le pare-brise, la sellerie ou les pare-chocs arrière ont été remplacées au fil du temps. De nombreuses pièces de l’embrayage ou du système d’échappement ont également été remplacées.

Idem pour la culasse, qui supporte désormais l’essence sans plomb. Ainsi, le Gladiator se présente à nous dans une rare beauté et dans un état d’utilisation absolument fabuleux. Bien que le kilométrage affiche le chiffre de 100 000, il pourrait bien être plus élevé. S’ils sont bien entretenus, ces robustes véhicules américains ont une durée de vie extrêmement longue. Le volant à deux branches encadre un compteur de vitesse de 110?km/h, flanqué d’indicateurs de niveau de carburant et de température du liquide de refroidissement. Tous les interrupteurs sont « marqués », on ne peut donc pas se tromper.

Techniquement tip top

La carrosserie présente de nombreuses traces et quelques callosités, qui témoignent d’un demi-siècle d’utilisation intensive. Ce compagnon prêt à servir aimerait bien passer encore 50 ans aux côtés d’un nouveau propriétaire. Celui qui recherche un véhicule entièrement restauré est ici à la mauvaise adresse. Techniquement, le Gladiator n’a rien à craindre du contrôle technique. Cependant, il n’obtiendra probablement pas le statut de véhicule vétéran. Cela nécessiterait une nouvelle peinture et beaucoup de retouches cosmétiques avec des pièces neuves ou remises à neuf, ce qui reviendrait à effacer une histoire précieuse. « In dubio pro patina »?: ce modèle Jeep devrait rester tel qu’il est.

Rêver en conduisant

Une fois au volant de ce genre de véhicule, il n’y a pas grand-chose à faire – tout est simple et tout inspire confiance. Le moteur gronde sous le capot ... il suffit de pousser le levier de vitesse vers le haut et de relâcher l’embrayage. Puis de passer la deuxième, puis la troisième vitesse – c’est tout. Inutile de changer souvent de régime, car le Gladiator est conçu pour la traction et non pour les grandes vitesses. Il a été imaginé et développé pour un usage intensif et non pour les autoroutes sans fin.

Pourtant, une fois que l’on s’est habitué à la direction ultralégère, mais assez indirecte, ou au manque de maintien latéral de la banquette lisse, il procure également beaucoup de plaisir sur nos routes goudronnées. Sans oublier les quatre freins à tambour « insensibles aux caresses délicates » mais qui exigent un coup de pédale franc et vigoureux. Le cockpit est très clairement structuré et pas du tout spartiate. Ses couleurs claires lui confèrent même une certaine élégance. Les camionnettes européennes de l’époque étaient bien plus sobres, et nous ne pouvions que rêver d’une climatisation… même dans des voitures plus chères.

Toujours une bête de somme

La surface de chargement est immense et le hayon arrière est protégé par des chaînes et des verrous solides. Le Gladiator peut donc être utilisé pour transporter de jolies choses, par exemple chez un antiquaire. Ce serait dommage de lui faire transporter des palettes lourdes ou des matériaux de construction. Quoique ? Finalement, peu importe ce qu’il transporte à l’arrière, le Gladiator donne à chaque kilomètre une impression d’espace, de « vastes prairies », d’horizon infini, de troupeaux de bovins et de feu de camp confortable après le travail. D’une manière ou d’une autre, il est attiré vers l’extérieur – comme jadis dans le Missouri.

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

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Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Jeep Gladiator (1966)

Caractéristiques techniques Jeep Gladiator 1966

Moteur : V8 essence
Cylindrée : 5359 cm3
Alésage x course : 97,0 x 83,5 mm
Puissance : 184 kW/250 ch à 4700 tr/min
Couple : 461 Nm à 2600/min
Boîte de vitesses : 3 rapports
Propulsion : roues arrière (quatre roues motrices activables)
Consommation : env. 15-18 l/100 km
Accélération 0-100 km/h : k. A.
Vitesse maximale : env. 120 km/h
Dimensions L/L/H : 4972/1920/1626 mm
Empattement : 3200 mm
Pneus avant/arrière : 215/85 R 16
Poids à vide : 1800 kg
Capacité du réservoir : 76 l
Prix en 1966 : 4171 USD
Valeur actuelle : 20'000 à 30'000 francs suisses

Texte : Stefan Fritschi
Photos : Vesa Eskola/auto-illustré

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