Monteverdi 2000 GTI

La Monteverdi pour tous

Un Monteverdi 2000 GTI Prototype? Oui! Il y a 50 ans, les amoureux de belles voitures rêvaient d’une « Monteverdi du peuple ». Elle vient de renaître à la vie et dévoile ses secrets.

Publié le 02.01.2022

 

Dans les années 60, l’amateur de voitures suisses désireux de conduire une auto fabriquée dans son pays n’a vraiment pas de choix. A l’occasion de l’IAA 1967, la situation change : Peter Monteverdi dévoile sa High Speed 375 S propulsée par un puissant mais facile à vivre V8 Chrysler. Avec son châssis maison et sa carrosserie née sous la plume italienne de Frua qui remporte tous les suffrages, elle peut briller dans les milieux les plus élitistes. La Suisse possède à nouveau un constructeur automobile exclusif d’envergure mondiale, qui ajoute un chapitre à l’histoire de marques aussi célèbres que Martini et Pic-Pic ou de carrossiers aussi réputés que Graber, Tüscher, Worblaufen et bien d’autres. 


Pas au rabais 

Là où le bât blesse, c’est qu’une Monteverdi n’est de loin pas à la portée de toutes les bourses. Le patron envisage donc d’y remédier. À cette époque-là, il est surtout encore un garagiste et concessionnaire BMW de 1965 à 1975. Pour donner à la marque bavaroise un vernis plus sportif et de nouvelles impulsions en matière de design, le patron de la distribution chez BMW, Paul G. Hahnemann, contacte Monteverdi. Ainsi naît chez Frua, sur base de BMW « Nouvelle Classe », ce qui est pratiquement une petite sœur de la High Speed 375 S : la 2000 GTI que nous vous présentons ici.

« Notre intention n’a jamais été de proposer une Monteverdi bon marché en dessous de la 375 High Speed », tempère Paul Berger, chef-vendeur et bras droit de Peter Monteverdi. « Les coûts de l’outillage pour la carrosserie, l’architecture autoporteuse de la BMW de base ainsi que les marges plus réduites sur les bénéfices auraient constitué un défi insurmontable pour une petite société comme la nôtre. L’idée avec la 2000 GTI était de concevoir un modèle de niche exclusif pour BMW et de le faire fabriquer à environ 150 exemplaires par an. » Mais les choses prirent une autre tournure.


Oppositions en Bavière

Chez BMW, le projet suscite aussitôt une forte résistance. La 2000 CS fabriquée chez Karmann, à Osnabrück, remporte un succès tout symbolique. En outre, l’E9 à moteur six-cylindres est déjà dans les cartons. Une concurrence intestine avec une voiture qui aurait été plus jolie était donc indésirable.

Il y a aussi de l’opposition chez Frua, designer attitré de la marque Glas à Dingolfing. Il a déjà dessiné de nombreux modèles, dont, tout récemment, une Glas 3000 V8 Coupé en 1967, qui annonce déjà les formes générales de la 2000 GTI. Par souci de clarté, précisons que ladite Glas-Frua est fortuitement en vente au prix de 300 000 € au moment de la clôture de la rédaction. En novembre 1966, Glas tombe dans le giron de BMW. Le patron du design de la marque à l’hélice, Wilhelm Hofmeister, n’a pas besoin de stylistes qui lui fassent concurrence. Frua a donc les mains liées. 

Mais Frua ne se laisse pas faire et, à l’insu de Monteverdi, propose directement la 2000 GTI à BMW. Le constructeur munichois est plus intéressant comme client, car plus grand, avec une notoriété accrue et une gamme plus étendue. Monteverdi et Frua se retrouvent donc devant les tribunaux : interdiction d’exposer la voiture au Salon de Genève en 1968. Prétexte : la voiture aurait été endommagée lors d’un transbordement. Au lieu de cela, la 2000 GTI avec logo BMW et les fameux naseaux sur la calandre fait sa réapparition en septembre 1968 au Salon de Paris. Des trous de vis sur la proue et des photos comparatives prouvent sans contestation que la Monteverdi et la BMW 2000 GTI sont une seule et même auto.


Deuxième déception à New York

Plus tard, Frua remet l’exemplaire à Monteverdi. BMW propose de racheter le prototype au prix coûtant de 90 000 francs. Ce à quoi le constructeur automobile de Binningen oppose une fin de non-recevoir. Sur ces entrefaites est organisé le Salon de l’auto de Genève de 1969, où l’on découvre à nouveau une auto presque identique, mais, cette fois-ci, baptisée 2800 GTS Coupé, de couleur vert métallisé et propulsée par un six-cylindres, qui est aujourd’hui la propriété de BMW. Il est probable qu’il s’agisse exactement la voiture qui a suscité bien des remous au Motorshow New York au printemps 1969. Carl F. Wagner, l’importateur de Monteverdi aux États-Unis, travaillait sur la présentation du stand juste au moment où – selon ses souvenirs – la 2000 GTI repeinte en vert métallisé et arborant des emblèmes Chevrolet était poussée dans la halle. Il croit tout d’abord que l’on allait la diriger vers le stand Monteverdi avant de la voir filer chez Chevrolet. Wagner téléphone à Monteverdi en pleine nuit. La réaction est prévisible : la question Frua est déjà classée car le styliste italien n’a lui non plus pas les capacités de production nécessaires. Bien qu’une 375 L 2+2 soit déjà en gestation chez Frua, ce modèle – à la poupe redessinée – sera finalement fabriqué à partir de 1969 par un nouveau partenaire, Fissore.


Une 2000 ti de 1966… 

Du 7 au 12 janvier 1970, la Monteverdi 2000 GTI rouge est encore exposée au deuxième Salon international de la Voiture de course dans les halles de la Züspa, à Oerlikon. Elle intègre ensuite la collection Monteverdi, où l’on pourra l’admirer jusqu’à la fin 2016. Lors de la dispersion de la collection, Paul Berger attache la plus grande attention à ce que les voitures se retrouvent dans de bonnes mains et ne puissent pas être revendues au plus offrant par des spéculateurs. L’industriel bâlois Daniel Pfirter est un homme à qui l’on peut faire confiance : son père était déjà client de Monteverdi, avec lequel il s’est lié d’amitié. C’est donc lui qui aura l’honneur de racheter le prototype.

Son histoire débute le 21 mars 1966, jour où une BMW 2000 ti Automat grise de 100 ch arborant le numéro de châssis 1432226 sort de chaînes pour l’importateur zurichois de BMW, Motag. À partir du 28 juin 1967, Frua transforme cette auto en coupé. Il faut faire vite, car il est prévu de l’exposer au printemps prochain à Genève.

Les indications techniques font toutefois état de 130 ch et d’une boîte à cinq vitesses. Autrement dit une chaîne cinématique de BMW 2000 TI/SA, qui – dans l’optique d’une fabrication en petite série – aurait assurément été un choix idéal pour Monteverdi, mais que l’on ne retrouve pas dans le prototype. Pour les clients américains, une transmission automatique aurait été une option tout aussi importante qu’un moteur à six-cylindres.

Le prototype affiche tout juste 4000 km au compteur et ne donne pas l’impression d’avoir été bricolé, réparé ou restauré. Il a pourtant souffert de plusieurs années d’immobilisation. Avant le premier démarrage, Daniel Pfirter doit faire effectuer une révision en profondeur et remplacer l’intégralité des flexibles et pièces en caoutchouc. Il a même fallu faire refabriquer les joints de portière, inopérants à cause de leur âge. 


Pièce de musée au quotidien

De brefs galops d’essai précèdent ensuite sa présentation Concours d’Elégance de Bâle en 2019. Un demi-siècle exactement après sa dernière apparition en public dans les halles de la Züspa, la petite « Monti » se voit offrir pour la première fois, le 19 août 2020, une escapade prolongée sur routes ouvertes. Elle possède entre-temps le statut de véhicule vétéran et participe au Zürich Classic Car Award, sur la Bürkliplatz, à Zurich, où elle remporte sans coup férir une victoire de classe.

Vue de l’avant, la 2000 GTI est immédiatement identifiable comme petite sœur de la 375 grâce à ses doubles phares typiques de la marque et à sa proue anguleuse profondément creusée. Seuls les clignotants avant et les optiques arrière donnent un peu l’impression d’être bricolés, un constat qui aurait assurément donné lieu à une rectification sur une production en série. Le graphisme latéral des vitrages est plus court que sur la « grosse » Monteverdi, et les montants de custode sont plus massifs. Le dessin de la poupe, avec son arête caractéristique créant une zone d’ombre et son pli nerveux, est très pur. Les quatre feux circulaires typiques de leur époque lui confèrent une allure plus sportive qu’élégante.

Frua était une sommité dans son domaine, comme le prouve également le cockpit sans aucune lacune d’ergonomie. Daniel Pfirter a remplacé les fauteuils d’origine par des sièges plus étroits et qui se règlent plus facilement. Malgré tout, la position de conduite n’est pas tout à fait optimale : là encore, il s’agit d’un prototype. L’arrière accueillera au maximum deux enfants, car tout est très exigu et le pavillon est bas. En revanche, le coffre auquel on n’accède qu’en ouvrant le dôme vitré engloutira suffisamment de bagages pour partir en vacances. Les revêtements des arches de roues ont en revanche un air improvisé, ce qui vaut aussi pour le compartiment moteur. Étant donné que le capot – comme sur la BMW d’origine – descend très bas sur les côtés, il y a une grande « zone grise » peinte en noir mat. En dépit de ces réserves, la finition est étonnamment bonne pour un prototype fabriqué à la main. Tout fonctionne sans anicroche et les composants s’accordent à la perfection. Même les portières et les capots se ferment sans réticence sur une légère pression. 


Trop beau pour être vrai… 

Sur la route, la Monteverdi enthousiasme par son excellent confort et sa tenue de route remarquable. Il suffit de s’imaginer une boîte à cinq vitesses bien guidées et le moteur à injection de 130 ch, que Monteverdi avait prévu pour la version de série, pour obtenir une authentique GTI. Les freins qui mordent avec un peu de retard et la direction indirecte conviennent en revanche tout juste à la version de 100 ch et à la boîte à convertisseur à trois vitesses du prototype : plutôt GLI que GTI ? A de l’achat de la voiture, Pfirter a eu le plaisir de se voir offrir en prime un moteur de TI/SA avec la boîte de vitesses appropriée.

Oui, il aurait suffi que BMW fasse un effort et décide de fabriquer la 2000 GTI avec le concours de Monteverdi. Aujourd’hui encore, les deux marques pourraient être fières d’une icône de plus. Avec l’avantage que l’on verrait plus de Monteverdi circuler sur nos routes, car davantage de fans moins fortunés auraient pu s’en offrir une. Bien sûr, il aurait fallu résoudre le problème du manque de capacités chez Frua, peut-être avec l’aide de Karmann, avec un design revu et corrigé à la Fissore. Ah, quand on se prend à rêver… 

 

 

 

Caractéristiques techniques


Monteverdi 2000 GTI (prototype 

sur base de BMW 2000 ti, 1966)

L4 essence, 1990 cm3,

alésage x course 89 x 80 mm,

1 carburateur inversé, 

74 kW/100 ch à 5500 tr/min, 

156 Nm à 3000 tr/min, 

boîte aut. à trois vitesses, RWD, 

carrosserie autoporteuse en tôle, 

 AV McPherson,

ressorts hélicoïdaux, 

AR bras obliques triangulaires, 

ressorts hélicoïdaux, 

suspensions indépendantes, 

0–100 km/h en 12,4 s, 

Vmax env. 175 km/h, 

10,7 l/100 km

L/l/h:  4559/1719/1250 mm, 

pneus 175 HR14,

poids à vide 1200  kg.

Nombre d’exemplaires : 1 (prévisions : 150/an)

Coûts de fabrication (1968) : 90 000 

francs,
prix prévu env. 25 000 à 30 000 francs

(base BMW 2000 TI/SA)

Prix actuel : N/A

 

 

 

Paul Berger, Monteverdi
« Une Monteverdi en dessous de la 375 n’aurait jamais été rentable pour nous. »
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